MA DEFUME

MA DEFUME

comment arreter de fumer?

Comment arrêter de fumer ?

Pr Robert Molimard

Président de la Société de Tabacologie

Centre de Tabacologie Paul GUIRAUD, Villejuif



Le procès du tabac n'est plus à faire.

Nous ne savons toujours pas comment dissuader les jeunes de commencer à fumer.

Ce n'est pas sans raison que le thème de la Journée Mondiale sans Tabac cette année était le sevrage des fumeurs. Mais comment combattre efficacement si l'on ne connaît pas bien ce qu'on a à combattre. Une bonne analyse des mécanismes de la dépendance devrait guider l'action, et donc la précéder.

Fumer est un comportement automatique, étonnamment proche du comportement alimentaire, avec lequel il a d'ailleurs beaucoup d'interactions. Tout se passe comme si des structures cérébrales chargées de réguler l'approvisionnement en substances indispensables à la vie par des mécanismes cycliques où un besoin, tel la faim, induit de manière irraisonnée et irrésistible un comportement de recherche et de consommation, jusqu'à un rassasiement prélude à une satiété temporaire, se mettaient au service de l'approvisionnement d'une substance étrangère et en défendaient le taux plasmatique, comme si elle était aussi indispensable à la survie que le glucose.

Mais se greffe sur cette régulation pharmacologique une foule d'automatismes acquis par associations pavloviennes avec la prise de cigarette qui finissent par devenir prépondérantes, et expliquent en tout cas les reprises du tabagisme après de longues périodes d'arrêt, alors que le besoin pharmacologique est depuis longtemps éteint.
On ne peut lutter contre un automatisme par la volonté. Les structures cérébrales impliquées dans les processus de décision sont fatigables. L'arrêt du tabac consiste à créer de nouveaux automatismes acquis, seuls capables d'avoir la vigilance nécessaire au blocage permanent et inconscient du comportement à combattre. C'est donc un apprentissage.


Cet apprentissage commence dès que le fumeur commence à ne plus se sentir confortable en prenant sa cigarette. Suit une longue période de "maturation", émaillée de tentatives de réduction, de changement de marque, de tentatives d'arrêt avortées, jusqu'à ce que le sujet intègre qu'il ne pourra contrôler l'incontrôlable. Et l'arrêt survient alors quasi automatiquement comme une échéance inéluctable.
Il faudra donc tenter de faire comprendre au patient que s'arrêter n'est pas le fruit d'un effort de volonté, mais d'une stratégie où il lui faudra, comme pour tout apprentissage, répéter.

Dès qu'il aura fait le pas décisif, il lui faudra apprendre à vivre, sans tabac, une foule de situations de la vie courante associées à la cigarette un nombre de fois suffisant pour qu'il devienne aussi automatique de les vivre ainsi que pour un acteur de dire son texte.

Mais la dépendance pharmacologique, si elle s'éteint rapidement, peut constituer un obstacle majeur dans les premiers jours ou les premières semaines de la tentative.

Certes, l'utilisation thérapeutique de la nicotine apporte une aide, mais il faut bien reconnaître que ce n'est pas la panacée. D'ailleurs, il est surprenant que ce produit, connu depuis plus d'un siècle et demi, n'ait jamais été utilisé seul dans un but toxicomaniaque, que les sujets fortement dépendant du tabac ne deviennent pas tous des accros inconditionnels des gommes à la nicotine, et qu'il soit si difficile d'obtenir des modèles animaux fiables de dépendance à cette substance. Il faut dire qu'il y a beaucoup d'autres produits éventuellement psychoactifs dans le tabac dont aussi bien la chimie que le rôle sont très mal connus. Il en est ainsi de ces inhibiteurs de monoamine-oxydases présents dans la fumée, qui pourraient expliquer, par leur pouvoir antidépresseur, que certains fumeurs utilisent le tabac comme automédication, et dépriment à l'arrêt. En prolongeant la vie de la dopamine sécrétée dans le cerveau sous l'action de la nicotine, ils pourraient expliquer pourquoi celle-ci n'exprimerait son pouvoir addictif que lorsqu'elle est apportée par le tabac.

Il serait donc essentiel qu'un vaste effort de recherche puisse se développer, portant sur la chimie et la pharmacologie du tabac lui-même autant que sur les mécanismes psychologiques et sociologiques en œuvre chez les fumeurs, pour ne pas agir à l'aveugle.

Promouvoir cette recherche est le but que s'est donné la Société de Tabacologie. 



22/05/2011
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